Victoire à Ravensbrück

Je ne comprenais pas le «pourquoi» de la souffrance des autres, mais je savais, quant à moi, que si je souffrais en ce lieu, Dieu n'y était pas indifférent, car Lui-même m'avait conduite ici, et ce, dans un but précis : je devais montrer le chemin à ceux qui allaient mourir, et apprendre aux autres à vivre comme de véritables enfants de Dieu ayant reçu du Seigneur Jésus la paix et la joie qui ne les quitteraient plus. Il me fallait avoir part aux souffrances de Christ afin de mieux saisir la profondeur de son amour. J'apprenais à ne plus compter sur ma force propre, mais à m'entretenir de tout avec Lui, comme le ferait un enfant, ce qui avait pour résultat de me faire prendre toujours plus conscience de mon impuissance et de Sa grandeur. Le problème de la souffrance — celle des autres — se posait sans cesse à mon esprit. Je n'ignorais pas que Ravensbrück n'était qu'un camp de concentration parmi beaucoup d'autres, et qu'une misère extrême se rencontrait également dans les villes bombardées, sur les champs de bataille, et dans les pays occupés. J'étais convaincue que les jugements qui avaient lieu sur la terre étaient les plus terribles de toute l'histoire de l'humanité.
Le pauvre petit être que je venais de voir m'apparut comme le symbole de la misère des masses que je ne pouvais voir. La souffrance des hommes me fut, en cet instant, aussi tangible que cette moribonde placée sur une couverture, et portée par quatre déportées squelettiques venant dans ma direction. Ce jour-là, le nombre des malades et des mourantes était tel que les civières étaient venues à manquer.
J'allai m'asseoir dans un endroit suffisamment éclairé et j'ouvris ma petite Bible au livre merveilleux de l'Apocalypse. Il est si important de se souvenir sans cesse que le jugement attend quiconque ajoute ou retranche quelque chose de la Parole, mais que la bénédiction repose sur celui qui lit et met en pratique.
J'ignorais si ce que je lisais s'appliquait aux jours que nous traversions, et si les événements symboliques, mais terribles, décrits dans ces pages étaient encore à venir. Maïs il était une chose que je comprenais et qui fut pour moi comme une ancre de salut : ce qui était écrit était la vérité. Dieu ne se trompe pas. Il voit la douleur et la peine, et II désire que nous les déposions à ses pieds. C'est une des leçons que je devais apprendre à Ravensbrück.
Une autre consistait à apprendre que je ne devais pas me charger de toutes les peines et douleurs de ceux qui m'entouraient, car ce faisant, je succomberais à coup sûr.
Enfin une dernière leçon était celle de la prière. Prier consiste à apporter à Dieu tout ce qui nous trouble, nous pèse, nous oppresse. Prier c'est déposer devant Lui tous nos fardeaux. Et je m'aperçus que, précisément ce jour-là, j'avais agi en insensée ; la prière terminée, j'avais repris mes fardeaux!