Le prophète Jonas

Jonas a-t-il existé ?

Nous trouvons dans la Bible le récit des aventures d'un personnage appelé Jonas, mais celui-ci a-t-il vraiment existé ? N'avons-nous pas affaire à un personnage imaginaire ?


Le livre de Jonas lui-même ne nous permet pas de situer exactement le personnage dans le cours de l'histoire. Nous apprenons seulement qu'il est en rapport avec Ninive la grande ville, ce qui est vague, mais aussi qu'il est fils d'Amitthaï.


Or dans le deuxième livre des Rois (14.25), nous avons la mention d'un certain prophète Jonas, lui aussi fils d'Amitthaï, originaire de Guitta-Hépher et dont une prophétie concernant l'extension territoriale d'Israël a trouvé son accomplissement sous le règne de Jéroboam II. S'agit-il de la même personne ?

Nous avons des indications qui nous font penser que le personnage du livre de Jonas est aussi prophète :


D'abord, la place que les Juifs ont donnée à son livre dans leur canon de l'Ancien Testament. Il est compté parmi les prophètes.


Ensuite, ces paroles qui introduisent la révélation de Dieu « la parole de l'Eternel fut adressée à Jonas en ces mots », paroles qui introduisent ordinairement les messages des prophètes (Jr 1.4,11,13 ...).


Enfin, il y a aussi la déclaration de Jésus lui-même parlant du prophète Jonas (Mt 12.39).

Nous sommes ainsi amenés à dire que le prophète dont il est question dans le livre de Jonas et celui dont nous parle le livre des Rois sont une seule et même personne. C'est aussi l'opinion juive que nous rapporte Flavius Josèphe (Antiquités Judaïques, Livre IX, chapitre 11).


Nous avons donc affaire à un personnage historique ayant un enracinement dans un pays et une époque bien précis.

Jonas, fiction ou réalité ?

Une question se pose : le personnage historique de Jonas que nous avons repéré dans le livre des Rois a-t-il vraiment vécu ces aventures qui lui sont attribuées ?

Nombreux sont les commentateurs qui en doutent ? Jonas ne serait dans ce récit qu'une figure symbolique sur laquelle on aurait mis ce nom pour lui donner un certain poids. Tout le récit que nous avons ne serait d'ailleurs qu'une fable destinée à être le support d'un enseignement sur l'universalité du salut.

Cette idée, après avoir été exprimée par Grégoire de Naziance, a fait son chemin et a été reprise par la théologie libérale protestante et, avec quelque retard, par la science biblique catholique.

On reproche au livre de Jonas :

+ La surabondance des miracles, comme celui de la « baleine », dans lequel certains ont vu une intention presque satirique.

+ Le manque de trace d'une subite conversion de Ninive tant dans les documents assyriens que dans la Bible elle-même.

Sans nier le caractère symbolique de Jonas, mis en évidence par le Seigneur lui-même, ni l'enseignement moral et spirituel sous-jacent à ses mésaventures, nous devons reconnaître en Jonas celui qui a réellement vécu ces aventures. Les miracles abondants ne parlent pas contre l'historicité pour celui qui a foi en Dieu. Le manque de trace de la conversion de Ninive non plus, si l'on pense qu'elle a eu lieu sans enseignement subséquent et que par conséquent elle n'a pu influencer notablement cette ville plus de quelques années.


En outre, nous devons nous demander pourquoi les Juifs ont gardé dans leur canon un livre dont, de l'aveu de tous, l'enseignement allait à l'encontre de celui qui était généralement reçu, si ce n'est par respect pour l'homme à qui étaient arrivées ces aventures.

Nous avons encore le témoignage de Jésus rapporté par Matthieu (12.39-42) et par Luc (11.29-32). Ces paroles nous montrent que pour le Seigneur le livre de Jonas rapportait des faits historiques réels. On a essayé de récuser leur témoignage en disant que le Seigneur se servait de cette histoire comme nous le faisons nous-mêmes des paraboles et qu'ainsi il n'entérinait pas l'historicité des faits. Mais il serait gênant que Jésus dise ensuite que les hommes de Ninive se lèveront au jour du jugement si ces hommes n'avaient qu'une existence littéraire fictive et n'avaient donc pas vécu l'expérience dont parle Jonas. Ce serait mélanger d'une manière inacceptable du fictif et du réel et par-là même enlever toute réalité au jour du jugement

Nous devons aussi remarquer que pour les Juifs (cf. Flavius Josèphe) le prophète Jonas est un personnage historique et qu’il a donc bien vécu ces choses, même si le rationalisme de Josèphe éprouve quelques réticences à raconter l'épisode de la « baleine ».

D'autre part, pourquoi prendre Jonas pour en faire le héros d'une histoire imaginée et non quelque autre prophète ? Quelqu'un de plus en vue aurait apporté plus de poids à la démonstration sur l'universalité du salut et quelqu'un de moins connu aurait évité que l'on s'enquière trop de lui.